Chronique

L’Urgence, la Nécessité et l’Autorité

La 2e semaine de juillet 2021 vient enfin éclairer l’opinion publique sur ces trois modes de relations entre les gouvernants et les gouvernés.

Le 8 juillet, le jour de ses 100 ans, le philosophe Edgar Morin, l’homme de la méthode et de la complexité, répond, dans le journal le Monde, à de multiples interrogations personnelles dont celle-ci :

« Celui qui choisit l’urgence contre la nécessité oublie l’urgence de la nécessité. »

Cette pensée philosophique n’est pas abstraite. Le texte qui suit a pour objet de révéler ce qu’elle signifie dans la vie concrète des citoyens français de ce début du 21ème siècle. Elle est directement confrontée avec celle exprimée 4 jours plus tard le 12 juillet 2021 par le président Macron en sa qualité de dirigeant élu par la nation, gardien des institutions dont il a la charge.

« Celui qui rejette l’urgence et la nécessité de la vaccination en opposant l’urgence et la nécessité attachées à sa propre personne en subira les conséquences sociales. »

Passés les flonflons du 14 juillet entrons dans l’explication concrète.

L’État et l’urgence

La société française est soumise, quinquennat après septennat, à différentes formes de lois d’état d’urgence, dont l’application est confiée aux pouvoirs administratifs, régaliens ou pas. Ces délégations législatives entrainent une réduction des libertés démocratiques, dans le but de mieux assurer les protections physiques, mentales sociales économiques et juridiques des citoyens.

À l’époque des attentats terroristes, 2015, le pouvoir d’État très affaibli n’avait pas le choix…

La pandémie qui s’est abattue sur la planète il y a 18 mois a changé la nature des liens au sein de ce couple anxiété – sécurité. Les Français se sont brutalement installés dans un état d’urgence, cette fois sanitaire en vivant la réalité de 120 000 morts en 18 mois.

Le 12 mars 2020, confiné comme tout le monde, j’ai retrouvé les contraintes d’enfermement des 4 années de la guerre de 39/45 et déploré la persistance des faiblesses de la République corrézienne, le laisser-aller, le mensonge et l’infantilisation des français, dénoncés dans les  « rois prodigues ».

Je reviendrais sur l’évolution de ces sujets au cours de la compagne électorale qui débute.

J’observe simplement qu’un pays, Israël, est présenté comme aussi efficient dans la lutte, contre les multiples terrorismes qui l’entourent, que dans la gestion de l’urgence sanitaire. Imposée par la pandémie. En 1996, Henry Kissinger, lorsqu’il a aidé Benyamin Netanyahu à s’installer au pouvoir en Israël, m’a expliqué, dans le cadre de nos relations privées, quels étaient les effets de ces politiques alternées d’anxiété et de sécurité qui permettent d’assurer la domination du fort sur le faible.

Ces politiques alternées, anxiété sécurité, reposent sur 4 piliers administratifs :

  • Une organisation qui impose son modèle et ses structures aux citoyens « assujettis ».
  • Une mission qui préserve la mise en cause des responsabilités du pouvoir exécutif.
  • Des protocoles d’exécution écrits en langage administratif.
  • Des plannings et agendas à la seule discrétion de l’autorité administrative.

L’opinion publique française semble avoir accepté ces règles du jeu en se retirant jusqu’aux 2/3 d’entre elle dans l’abstention lors des consultations du printemps 2021.

L’État et la nécessité

A l’évidence, le pouvoir exécutif, les institutions dont il dispose et dont il est le gardien, les différentes formes des pouvoirs administratif, ont su construire l’état d’urgence dont la pandémie exigeait la mise en œuvre. Le peuple français, celui qui aura pleuré les 120 000 morts sera-t-il convaincu, le moment venu de rendre les comptes, de ce qui a été fait et bien fait pour lui ?

Je vais donner mon sentiment sur les 4 piliers de l’Etat d’urgence, comme je l’ai donné il y a 20 ans pour les 4 piliers de l’État afin de mieux comprendre sa situation et sa dégradation.

  • La tyrannie du guichet vers lequel il faut se rendre, a imposé, nous dit-on, à 20 % des citoyens de plus de 60 ans d’être exclus de l’indispensable vaccination du fait de leur éloignement du fameux guichet vers lequel l’assujetti doit toujours se rendre.
  • La mission de précaution, détournée de son sens vers l’irresponsabilité a conduit à justifier l’injustifiable par le mensonge sur l’inutilité des objets dilapidés, les masques, en organisant la pénurie de leur indispensable usage.
  • L’usage des protocoles écrits dans un langage qui oubliait celui de la nécessité, et des nécessiteux, celui du peuple qui connaît trop souvent l’analphabétisme que le système d’éducation nationale a laissé s’installer dans le pays.
  • Quant à la gestion de l’agenda par les services administratifs de l’État elle a montré les accumulations de reports et de retards qui ont conduit à l’émergence d’une solidarité de suppléance.

Tout cela révèle la capacité d’oubli de l’urgence a nécessité évoquée par le philosophe.

J’ai vécu il y a 60 ans les mêmes dérives administratives dans le département le plus affecté cette fois-ci celui de la Seine-Saint-Denis. Il ne s’agissait pas de sanitaire. Il s’agissait de services publics auxquels une jeune population migrante, majoritaire dans sa commune, n’avait pas accès, à la mesure de ses besoins. L’État était en situation d’urgence logement sous l’œil politique suspicieux de l’Abbé Pierre. Il était en situation de nécessité par les conséquences de la guerre d’Algérie et du baby-boom. Ce fut une expérience documentaire.

L’État et l’autorité

Emmanuel Macron, fin politicien, a compris que le variant Delta pouvait l’aider à sa réélection. Il a enfoncé le devoir de vaccination dans la tête des Français. C’est sans doute un bon coup double pour eux comme pour lui. Je garde mes commentaires sur E. Macron pour ma chronique de fin septembre.

Depuis vingt ans, avec mes amis de l’Institut PRESAJE, nous luttons pour la renaissance du Droit. Voilà une belle occasion de l’affirmer en respectant l’urgence de ne pas oublier toutes les nécessités.

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