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Phénomène bureaucratique et Santé publique

Tout au cours de mes 87 années de lecture de journaux (1934), j’ai lu beaucoup de critiques sur le phénomène bureaucratique français.

Plus récemment, à la fin des trente glorieuses, ce phénomène a fait l’objet d’ouvrages de réflexion.

Aujourd’hui, ce vent mauvais souffle en tempête.

Sans remonter jusqu’à Labiche ou Courteline, et aux ronds-de-cuir, la domination du bureaucrate et la tyrannie du guichetier ont marqué ma génération.

C’est ce qui m’a amené à pester récemment contre la bureaucratie sanitaire qui s’est emparée de la santé publique mise en danger par la Covid19.

Cette chronique, construite sur des faits personnels et de longues réflexions, va me permettre de clore le débat sanitaire auquel j’ai participé, après en avoir acquis le droit par plus de 15 années d’expérience vécue sous la tutelle des bureaux du ministère de la Santé.

Management et organisation sanitaire

Au cours des années 1990, les nations européennes et les institutions communautaires ont préconisé l’instauration de méthodes de management moderne dans des structures de Santé publique pour en améliorer le fonctionnement.

Les techniques administratives, modernisées et généralisées, devaient être étendues à un monde qui reposait essentiellement sur les médecins avec leur stéthoscope et les pharmaciens avec leurs potions.

En France, plus spécialement, en raison de cette prééminence médicale ancestrale, et de l’importance électorale qu’elle avait prise, avec le modèle du scrutin d’arrondissement, il était très incertain que cet accès au management soit réussi.

C’est ainsi qu’il a fallu attendre les 10 premières années du XXIème siècle, pour que soit discrètement vérifiée, l’évolution de ces craintes, lorsqu’elles ont commencé à se réaliser dans le milieu très fermé de la santé publique.

Les dérives bureaucratiques observées et vécues

Il s’agit, par ce récit, purement factuel, d’un citoyen bénévole plus curieux que beaucoup d’autres, d’expliquer ce qui s’est passé, qui a été révélé par la pandémie de 2020.

En 2005, après avoir réuni le colloque sur le catastrophique principe de précaution, en présence de deux ministres spécialistes de la santé publique, il est apparu que cette pièce essentielle de l’État-providence à la française était en grand danger.

Elle ne résisterait pas aux dérives bureaucratiques annoncées et expliquées par des autorités scientifiques et morales que personne n’a voulu entendre.

L’une d’entre elles, qui a fait et fait toujours autorité, a clairement dit que « la bureaucratisation en cours affecterait gravement une administration déjà défaillante ».

Quand il m’est apparu que le principe de précaution conduirait vers celui d’irresponsabilité, achèverait le malade, j’ai décidé, à 78 ans, de m’engager auprès de ceux qui se battaient pour le sauver.

Notre Santé publique avait été dotée d’une solide capacité managériale avec 9 agences d’État, aux pouvoirs multiformes. Cette évolution présentait un caractère pertinent et rassemblait des mesures judicieuses.

Certes, les autorités que j’ai citées plus haut, craignaient que cet accès à des méthodes de management très étrangères à la culture administrative française ne soit prétexte à renforcer la bureaucratisation du système. Ce fut vrai.

Je suis resté 15 ans dans le circuit, sur trois sujets inquiétants pour la société, l’alcool aux 50.000 morts par an qui entrainait une guerre Santé/viticulture.

Je fus nommé Président d’un Conseil qui a rassemblé les autorités utiles (Parlementaires, médecins praticiens et académiciens, professionnels de la viticulture et spiritueux, dirigeants de l’administration) j’y ai découvert et vécu des blocages quasi institutionnels.

Après 3 ans au cœur de ce problème majeur de notre santé, je suis allé passer 3 ans de plus pour conseiller le président de la mission de lutte contre les drogues.

Enfin, j’ai terminé ce parcours en m’installant, à l’hôpital Saint-Louis à Paris dans le labo d’un ancien prix Nobel, avec une association de recherches sur les maladies chroniques que la pandémie a fait connaître sous le nom de « clause de morbidité ».

Tout cela totalement bénévole.

En 2008, il m’a paru indispensable d’ajouter à ce parcours au sein des zones de combat, un parcours purement intellectuel sur ce que pourrait devenir la santé publique et son nouveau management.

Avec un jeune professeur spécialisé, après avoir recueilli les conseils d’un très haut fonctionnaire ancien directeur de cabinet de ministres de la santé, nous avons produit un ouvrage publié à Bruxelles sous le titre « les nouveaux paradigmes de la santé ».

J’en ai fait la conclusion après avoir bénéficié à la fois des conseils et de la préface de ce haut fonctionnaire, toujours respecté par la qualité de ses analyses.

Le management bureaucratique de la santé publique

Les décisions des années 1990 avaient été bien prises, leur réalisation les années suivantes a été défaillante.

Je l’ai compris, en 2014, au cours d’un événement organisé au Château de Compiègne, les 30 cm de neige tombée la nuit précédente ayant fait débattre dans une salle vide et glacée.

  • Je devais présenter que fut la santé publique d’avant-guerre médecin/pharmacien.
  • Un chercheur du CNRS, la santé d’après-guerre avec les Big listes Pharma, la pénicilline, et les molécules.
  • Un tout jeune savant qui devait évoquer la santé managériale et scientifique de l’avenir.

Que s’est-il passé :

Le couple ancestral médecin/pharmacien est resté le seul modèle du traitement de la santé compris et admis par les Français et par la plupart de leurs hommes politiques.

Il aurait été indispensable que l’introduction des méthodes de management préconisé dans les années 1990 aient été profondément expliquées à la population française. Pendant une longue période, aucun mouvement politique n’a su en faire une priorité. La place a été laissée à deux absolutismes, celui de la raison d’État par la bureaucratisation, celui de la raison scientifique par la domination.

La réalité des besoins de protection de la population, la manière apparente de leur défaut de satisfaction, ont fait hurler à l’absolutisme bureaucratie qui préférait imposer ses visions budgétaires aux besoins sanitaires.

L’utilisation des moyens de l’économie spectacle par les scientifiques porteurs de leur absolutisme, a révélé les conditions dans lesquelles les savants pourraient s’opposer au rôle des soignants.

J’arrête là, me réservant de reprendre, en le détaillant dans l’ouvrage qui sera publié au printemps prochain.

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